Sommaire :

MANGER DANS LE MONDE

Habitudes et coutumes

En faisant un tour du monde de l'art de la table, je me suis rendu compte des différents coutumes et rites, fortement liés à la religion ( cérémonie, régime alimentaire, ... ), à l'évolution même de la population (famine, culture des terres, ...). ,

Je me suis tout particulièrement intéressé à la manière de manger : assis, accroupi; les ustensiles de cuisine ( les baguettes, les fourchettes, le pain, les doigts).

En Italie comme dans toute l'Europe, on mange avec des couverts.

Dans les pays de la méditerranée et le moyen-oriental, on utilise le pousse, l'index et le majeur.

Au mexique. les tacos et les tostados sont à déguster à la va-vite sans couverts ni assiette.

En Inde, tout le repas est servi en même temps sur de grands plateaux, on mange avec les mains (les doigts de la main droite, la gauche est impure), et du pain plat qui peut servir d'outil, d'intermédiaire entre les aliments et la main. Les hindous pensent que de se servir de couverts plusieurs fois est peu hygiénique.

En Chine. la baguette est utilisée pour venir piocher dans différents plats.

En Indonésie tout les plats sont au centre de la table au début du repas, on y trouve aussi un bol d'eau chaude avec du citron pour se laver les mains, les indonésien mange avec le bout des doigts de la main droite avec des mouvements très gracieux.

Les thaïlandais d'aujourd'hui mangent presque tous avec des couverts même si les plus traditionalistes soutiennent que la nourriture a plus de goût lorsqu'elle est dégustée de façon classique, c'est à dire avec les doigts.

Au Maroc le plat principal est placé au centre de la table C'est tout un art de prendre une poignée de semoule et de la rouler avec les doigts d'une seule main.

En Birmanie on mange par tradition avec les doigts, des plats comme le htamin lethoke ( riz à doigts) se déguste exclusivement aux doigts.

Au Sénégal les repas ne comportent qu'un plat, généralement accompagné d'une sauce à l'arachide. Chacun prend dans sa main une petite quantité de riz, de sauce et la porte à la bouche.

Aux Philippines, les espagnol y arrivèrent au XVI° siècle et y restèrent jusqu'au XX° siècle, la cuisine est donc très européenne, avec des couverts.

Au Vietnam. les plats arrivent ensemble sur la table, et le riz collant est servie dans des paniers pour le tenir au chaud. Comme partout en Asie, la fourchette sert à pousser les mets sur la cuillère avec laquelle la nourriture est portée à la bouche.

En Corée autrefois, on disait que le poison ternissait l'argent : cette croyance stupide à rendu très élégante la façon de manger, sur la table on trouve souvent des baguettes, des cuillères et des bols en argent.

Au Japon après le battage du riz, une collation est servie à tout les participants, au cours de laquelle est consommé du saké froid, accompagné de mets divers disposés dans des plats où chacun prélève une portion qu'il pose dans une coupelle individuelle.

En Malaisie on mange avec les doigts lors de cérémonie ou fête, mais autrement les couverts sont utilisés.

II y a donc 2 grandes familles ceux qui mangent avec une fourchette et ceux qui ne mangent pas "encore" avec une fourchette.

CONCLUSION

Ill y a différentes manières d'aborder la nourriture : Certains pincent (chinois), d'autres pétrissent (indien) ou encore torturent (occidental).

II y a en fait très peu de gens qui mange avec des fourchettes, POURQUOI?

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Existe-t-il un besoin de fourchette?

La naissance de l'utilisation de la fourchette provoqua à Venise un éclat sans précédent :

Au Xlème siècle, un doge vénitien épousa une princesse grecque. Dans les milieux byzantins auxquels elle appartenait on se servait, de toute évidence, de fourchettes. Nous apprenons en effet que la princesse portait sa nourriture à sa bouche "au moyen de petites fourches en or et à deux dents".

Cette nouveauté passa pour une marque de raffinement si outré que la dogaresse fut sévèrement abjurée par les ecclésiastiques, qui attirèrent sur elle le courroux divin. Peu après, elle était atteinte d'une maladie repoussante et saint Bonaventure n'hésita pas à déclarer que c'était un châtiment de Dieu.

II a fallu attendre cinq cents ans pour que la structure des rapports humains se modifiât de telle manière qu'on ressentit le besoin général de cet instrument. A partir du XVlème siècle, la fourchette s'implanta, venant d'Italie, d'abord en France, puis en Angleterre et en Allemagne, au moins dans les couches sociales supérieures : au début elle servait à prendre les mets dans le plat commun. Henri III en important l'usage en France, probablement de Venise. On se moquait de ses courtisans et de leurs manières "affectées" de se tenir à table. II est fort probable qu'au début ils étaient peu habitués au nouvel instrument. Les gens racontaient en effet que la moitié de la nourriture tombait de la fourchette "entre le plat et la bouche ".

Ce que nous considérons comme une coutume naturelle parce que nous y sommes habitués et conditionnés depuis notre plus tendre enfance ne fût accepté et acclimaté que lentement et péniblement par la société. Cela ne s'applique pas seulement à des objets en apparence peu importants comme la fourchette, mais aussi à des comportements qui nous semblent aujourd'hui plus significatifs et plus essentiels.

Encore au XVllème, la fourchette était essentiellement un objet en or ou en argent dont se servait la couche supérieure.

Norbert Elias extrait La Civilisation des mœurs, Calmann-Levv. 1979.

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Une sociologie de la civilisation

La civilisation des mœurs

La Civilisation des mœurs présente l'originalité de prendre au sérieux, comme objet d'investigation sociologique, ce sujet apparemment futile que sont les manières de gérer les fonctions corporelles : manières de se tenir à table, de se moucher, de cracher, d'uriner et de déféquer, de se laver, de copuler. Les manuels de civilité de la Renaissance fournissent à Norbert Elias un corpus très riche et quasi inexploité, illustrant non seulement l'état de des « mœurs » à un moment donné, mais aussi leur évolution : une évolution indéniable, qui s'accélère dans le courant du xvII, siècle, et dans une direction clairement marquée puisque « les hommes s'appliquent, pendant le "processus de civilisation", à refouler tout ce qu'ils ressentent en eux mêmes comme relevant de leur "nature animale" ; de la même manière, ils le refoulent dans leurs aliments »

Omniprésente en effet est la tendance à augmenter le contrôle sur tout ce qui relève de l'animalité, en le rendant moins visible ou en le refoulant dans l'intimité : la nudité se montre moins, les odeurs corporelles se dissimulent, les fonctions naturelles tendent à s'exercer dans des lieux spécifiques et isolés, on ne crache plus par terre mais dans un crachoir, on ne se mouche plus dans sa manche mais dans un mouchoir, on ne mange plus avec les doigts mais avec une fourchette.

Ce constat permet à Elias, tout d'abord, de montrer que ces fonctions dites "naturelles" sont entièrement modelées par le contexte historique et social. En outre, l'évolution des gestes qui définissent ces "mœurs" est indissociable de l'évolution de la sensibilité et, en particulier, de l'intensification progressive et collective du sentiment de dégoût, qui rend insupportables les manifestations corporelles d'autrui, et des sentiments de honte, de gêne, de pudeur, qui incitent à dérober à autrui le spectacle de son propre corps, de ses excrétions et de ses pulsions. Profondément incorporés et ressentis comme naturels, ces sentiments entretiennent la formalisation de règles de conduite, qui construisent un consensus sur les gestes qu'il convient ou ne convient pas de faire - gestes qui eux-mêmes contribuent à modeler en retour la sensibilité.

Sociogenèse et psychogenèse

Ainsi, "l'étude des formes du savoir-vivre et de ses modifications ne révèle qu'un secteur particulièrement simple et accessible d'un changement plus fondamental de la société considérée" : évolution qui peut s'observer non seulement au niveau collectif - la << sociogenèse » - mais au niveau individuel - la « psychogenèse » -, puisque « chaque individu doit parcourir pour son propre compte en abrégé le processus de civilisation que la société a parcouru dans son ensemble ; car l'enfant ne naît pas "civilisé" » C'est là ce qu'Elias, passant ici de l'histoire à l'anthropologie, nomme la « loi fondamentale sociologique. L'histoire d'une société se reflète dans l'histoire interne de chaque individu » .

Cette évolution doit impérativement se comprendre comme un processus de longue durée, avec des mouvements d'accélération (ainsi l'usage de la fourchette s'est imposé dans certains milieux en une ou deux générations) et des moments de stagnation voire de régression. Il ne s'agit pas d'un phénomène perceptible à l'échelle individuelle, mais à l'échelle collective d'un mouvement de société courant sur plusieurs siècles. Aussi le chercheur, historien ou sociologue, est-il le seul à même de le révéler, par la mise en relation de documents de natures et d'époques différentes.

Une explication par les conditions matérielles, telles que la diminution de la pauvreté ou l'amélioration des conditions sanitaires, ne suffit pas : les mœurs des plus riches seigneurs du Moyen-Age nous paraîtraient aujourd'hui aussi "sales"que celles des plus pauvres manants. C'est l'élévation du seuil de sensibilité qui explique l'amélioration des lieux d'aisance et l'invention des ustensiles liés aux fonctions corporelles - et non pas l'inverse. Tout aussi insuffisante est l'explication par l'hygiène, qui constitue moins une cause de l'évolution des mœurs qu'une rationalisation de la sensibilité. L'exemple du crachat est à cet égard très parlant : cette pratique est passée en une génération de l'hygiénique (on considérait qu'il était sain d'expectorer) à l'anti-hygiénique (on estime aujourd'hui que cracher augmente les risques de contagion).

Une explication sociologique

Historiquement, les nouvelles manières, plus "civilisées", ont d'abord été élaborées par l'aristocratie de cour, puis se sont transmises aux autres catégories sociales. Et ce sont en premier lieu les couches de la bourgeoisie amenées à fréquenter l'aristocratie, voire à la concurrencer dans certains domaines, qui ont été engagées dans ce processus de distinction par le degré de « civilisation » : « Les bourgeois sont influencés par le comportement des hommes de cour, les hommes de cour par le comportement des bourgeois »

Enfin, cette augmentation de la sensibilité au sein de l'aristocratie s'explique elle-même par des conditions historiques : l'instauration dans le courant du Moyen Age d'un pouvoir royal fort, la disparition d'une chevalerie anarchique et violente, la « curialisation » (c'est-à-dire le rapprochement avec la cour) de l'aristocratie ont entraîné ce changement de mœurs qui s'est diffusé peu à peu dans l'ensemble de la société. C'est là qu'intervient la reconstitution de la genèse historique de ce processus de civilisation, qu'Elias va entreprendre dans le second volume de son grand oeuvre.

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La fourchette et la pudeur

«Encore au XVII, siècle, la fourchette était essentiellement un objet de luxe en or ou en argent dont se servait la couche supérieure. L'accueil que cette société fit à la "nouveauté" met en évidence un autre fait: des hommes qui mangeaient comme les hommes du Moyen Age, qui prenaient la viande dans le même plat avec les doigts, qui buvaient le vin dans la même coupe, qui lampaient la soupe dans le même bol ou dans la même assiette entretenaient entre eux des rapports différents des nôtres ; ces différences n'affectaient pas seulement leur conscience claire et raisonnée mais également leur vie affective dont la structure et le caractère étaient différents des nôtres. Leur "économie affective" était orientée en fonction de relations et d'attitudes qui, comparées au conditionnement auquel nous sommes soumis, nous paraissent pénibles ou du moins peu attrayantes. Ce qui faisait défaut dans ce monde "courtois" ou ce qui n'existait pas dans la même mesure qu'aujourd'hui, c'était ce mur invisible de réactions affectives se dressant entre les corps, les repoussant et les isolant, mur dont on ressent de nos jours la présence au simple geste d'un rapprochement physique, au simple contact d'un objet qui a touché les mains ou la bouche d'une autre personne ; il se manifeste déjà dans le sentiment de gêne que nous éprouvons en assistant à certaines fonctions physiques, et très souvent à leur évocation il se manifeste aussi dans le sentiment de honte qui s'empare de nous quand certaines de nos fonctions physiques sont exposées aux regards des autres, et parfois même quand nous prenons conscience de leur existence. »

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Conclusion

Quand l'orient façonne sa bouchée en agglomérant viande et légumes à la semoule ou au riz, la chine change agilement ses baguettes en moissonneuse (quand le bol de riz touche aux lèvres), voire en « écarteuse » (pour déchirer la nourriture). Dans cet empire des grâces le fait de découper des viandes à table est inconcevable, alors que nous autre barbare, nous tronçonnons, transperçons. La faute à qui? A la fourchette, qui n'avait à l'origine qu'un besoin sociale, historique. ( qui n'existe plus !) Mais ce qu'elle a bâtis est incontournable (élégance, propreté, hygiène,...)

 

L'historique de l'objet fourchette

Les ancêtres de la fourchette furent de simples crocs en métal chez les Égyptiens, qui servaient plutôt à la cuisine qu'à table, pour saisir les morceaux de viande dans les chaudrons.

Les premières fourchettes véritables viennent de Venise, inventées peut-être par une princesse grecque, épouse du doge Domenico Silvio. Elle faisait sensation et scandale en mangeant "au moyen de petites fourches en or et à deux dents". On trouve une autre fourchette en or, en 1328, dans l'inventaire de la reine de Hongrie.

Elle ne servit dans doute à rien, car le Moyen-Age n'employa jamais de fourchettes que pour piquer les viandes, quelques fruits confits chez les reines ou "faire des rosties pour le Roy". De Venise, la fourchette parvint à Florence, chez les Médicis ; cela n'empêchait pas la reine Catherine de Médicis, très gourmande d'ailleurs, de manger avec ses doigts, peut être, tout au plus, se servait-elle de doigtiers pour les plats très chauds. Henri III, revenant de Pologne où il avait été roi, redécouvrit la fourchette à Venise et s'en engoua.

Elle a l'intérêt de "piquer" les aliments, les viandes surtout, beaucoup plus élégant que d'utiliser ses mains ou la pointe de son couteau et la mode extravagante des collerettes géantes, les 'fraises", s'en mêla : on trouva commode, pour ne pas se tacher d'utiliser des fourchettes vénitiennes aux longues dents pointues. C'est au restaurant de la Tour d'Argent que pour la première fois apparut la fourchette en public.

Un gentilhomme béamais l'a conté : "mon étonnement fut grand quand je m'assis à la table près de riches cavaliers. Je vis la table garnie de serviettes, de nappes et de victuailles, le pain bis blanc était tout entier et sans nulle miette, et je vis même qu'à l'exemple des rois on nous changeait de serviette suivant les services. Je fis comme mes camarades et le l'ai nouée autour du cou pour préserver ma collerette tuyautée.

Pendant que je dévorais une galimafrée, j'observais quatre Gentilshommes qui ne touchaient jamais la viande avec leurs mains, mais avec des fourchettes. Ils la portaient jusque dans leur bouche en allongeant le col et le corps sur leur assiette. Ce fut un plaisir pour moi...

Mais il y en avait qui n'étaient pas si adroits qu'ils laissaient tomber la moitié pendant le chemin qu'ils mettaient à leur bouche... ". Cette innovation surprit la plupart.

On se moqua des fourchettes, les trouvant aussi ridicules qu'encombrantes. Et Montaigne prétendra se passer de cette nouvelle mode : "je disnerois sans nappe, mais à l'allemande, sans serviette blanche, très incommodément... et m'aide peu de cuiller et de fourchette ... Je mords parfois mes doigts de hativité."

II faut attendre la fin du XVlle siècle pour voir s'acclimater la fourchette qui d'ailleurs se transforme : elle a bientôt quatre dents et non plus deux comme l'ancienne fourche en miniature. Mais certains ignorants utilisaient la fourchette d'une toute autre manière que celle prévue dès cette époque par les manuels de savoir-vivre : ils l'employaient par exemple tout bêtement pour se curer les dents.

Louis XIV, si "bonne fourchette" fut-il, mangeait avec les doigts et très élégamment, selon Saint-Simon, au contraire du chancelier Séguier qui "faisait une sorte de capilotade des plats qu'on lui servait, et se lavait les mains tout à son aise dans la sauce". Quand on partait en voyage, il valait mieux emporter son couvert, c'est ce que dit Regnard dans sa relation d'un voyage en Pologne en 1681 : "II ne faut pas manquer d'avoir son couteau et sa fourchette dans sa poche, car autrement on risque de se servir de ses doigts."

De ses 2 dents à ses débuts, la fourchette en gagna progressivement 3 ou 4. Les Anglais se moquaient des Italiens et des Français et de leur manie de fourchette. Sur toutes les tables, on voit maintenant, accolées, la cuiller et la fourchette, mais on l'a vu, la première a précédé l'autre de beaucoup.

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Concept du finger food

Ma volonté est de créer un objet qui pose une question à l'utilisateur. J'interroge sur l'origine, le besoin premier, générique, d'un objet. J'ai choisi de travailler sur un outil pour manger en cherchant le vrai besoin. La fourchette répond à un besoin social, historique, je décide de faire un produit qui sera ergonomique, qui respecte les acquis (niveau social) sans faire un trait sur la gastronomie avec apprentissage inexistant, .

II faut manger proprement, de manières instinctives, avec une forte communication.

Chacun son assiette, sa serviette, sa chaise.

Pour manger, on peut utiliser un outil pour pincer, déchirer, couper, trancher, transpercer, ramasser, pétrir, pousser,...

L'observation de la manière de manger chez l'enfant apporte des renseignements intéressants par rapport à l'utilisation d'outil comme la fourchette, c'est un réel apprentissage compliqué.

En utilisant la fourchette on perd nos repères, les aliments ne se trouvent plus au bout des doigts mais à une distance qui est variable suivant la prise en main, il faut donc plus utiliser le sens de la vue.

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